👯‍♀️ La rivalité féminine

Rapport aux autres

Pourquoi est-ce si difficile de célébrer une autre femme ?

Introduction

La rivalité entre femmes, on l’a toutes ressentie à un moment ou un autre. Parfois en la subissant, parfois en la nourrissant, parfois sans même s’en rendre compte.

Un regard de travers, une comparaison silencieuse, une légère jalousie, une compétition qui n’ose pas dire son nom…

Ce phénomène est si ancré qu’il semble naturel, presque instinctif.

Mais l’est-il vraiment ?

Pourquoi avons-nous si souvent l’impression qu’il ne peut y avoir de place que pour l’une d’entre nous ? Pourquoi, dans certains contextes, la réussite d’une femme nous met-elle face à nos propres insécurités plutôt que de nous inspirer ?

Est-ce un héritage de siècles de conditionnement social, un vieux réflexe de survie inscrit en nous, ou simplement un manque de modèles de sororité ?



1. Un héritage historique et culturel

Depuis toujours, on nous raconte des histoires de méchantes belles-mères, de sœurs jalouses, de rivales prêtes à tout pour éliminer la concurrence.

Ces récits ne sont pas anodins : ils façonnent une réalité où les femmes sont encouragées à se méfier les unes des autres.


L’objet de la rivalité : l’attention de l’homme

Au Moyen Âge, l’avenir social des femmes dépendait de l’attention d’un homme. Être choisie, puis rester l’élue, était une question de survie.

Se passer d’hommes n’était pas une éventualité. L’autonomie financière n’était pas possible, ou si elle l’était, vous aviez vite fait de vous retrouver sur le bûcher.

On a donc appris, génération après génération, que nous devions être la plus belle, la plus aimée, la plus convoitée, car il n’y avait pas de place pour tout le monde.

On a été entrainé a nous comparer, à repérer la menace dans la qualité d’une autre, ou le défaut sur lequel appuyer.

Vous me direz : les temps ont changé. C’est vrai, surtout dernièrement.

Mais ce que j’observe en en discutant autour de moi, c’est que le conditionnement reste : on se sent rapidement diminué par une fille plus jolie, plus sympa, plus solaire.


Une rivalité fourbe et taboue

Là où la rivalité masculine passait par des duels, des guerres assumées, et en faisait un combat valorisé, la rivalité féminine, elle, devait rester cachée.

Car ce qu’on attendait d’une femme dans la sphère publique, c’était avant tout de la douceur, de la maternité, du lien.

Résultat : la rivalité féminine a pris une forme plus insidieuse, et s’est infiltrée dans nos comportements de manière sournoise – rumeurs, comportements passifs-agressifs, critiques voilées, fourberie.

Ici encore, cette dynamique reste entretenue dans l’imaginaire collectif. Par qui ?

Les médias et les fictions bien sûr.

On nous a offert des duels entre Kate Middleton et Meghan Markle, entre les héroïnes de Desperate Housewives, mais jamais entre Carlos, Mike ou Tom.

Cette réalité s’est même inscrite dans notre langage : quand pour les hommes, on parle de “guerres d’ego”, on réduit les tensions féminines à de simples “crêpages de chignon”.



2. Un phénomène qui dit quelque chose nous

Bien que ce phénomène soit universel, force est de reconnaitre que certaines la subissent plus que d’autres.

Pour ma part, de l’école à ma vie d’adulte, j’ai souvent été la cible d’hostilité féminine.

Un ciblage arbitraire, dont je ne comprenais pas toujours l’origine, mais qui laissait une sensation tenace : celle de ne pas être une “bonne personne”. D’avoir fait quelque chose de mal… sans savoir trop quoi.

Avec le recul, j’ai compris une chose essentielle : la rivalité en dit souvent bien plus sur celle qui l’éprouve que sur celle qui la subit.

Ressentir de la rivalité, c’est projeter sur l’autre nos propres insécurités.

On peut ressentir une tension, une agressivité inexplicable vis à vis de quelqu’un sans qu’aucune raison objective ne la justifie.

Parce qu’au fond, ce n’est pas la réalité qui compte, mais la perception et l’histoire que l’on se raconte au sujet de l’autre.


3 constats que j’ai pu observer
  1. Être pleinement soi-même dérange

Rayonner, prendre sa place, s’exprimer librement…

Parfois, ce qui dérange, ce n’est pas ce que l’on fait, mais la façon décomplexée avec laquelle on le fait.

Cette liberté peut réveiller chez l’autre un malaise, voire une forme d’agressivité.

  1. Une femme qui brille ne menace que celles qui doutent de leur propre lumière

On a souvent peur de “faire de l’ombre” aux autres, alors on se restreint.

Mais on pourrait lui opposer l’expression qu’on prête à Mandela : “En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d'en faire autant.”

Briller n’est pas un acte d’arrogance, c’est un acte de permission. Plus vous vous autorisez à être pleinement vous-même, plus vous inspirez celles qui sont prêtes à faire de même.

  1. Montrer une faille change tout

Une personne perçue comme “parfaite” peut devenir intimidante, agaçante, voire menaçante.

Mais dès qu’elle laisse entrevoir une vulnérabilité, elle redevient humaine, et la rivalité, si elle ne disparait pas toujours, s’estompe quelque peu.

Ca ne signifie pas qu’il faut se diminuer, au contraire !

Simplement que si l’on souhaite désamorcer une situation qui s’annonce délicate, un peu d’intelligence sociale et de pseudo manipulation, ne peut pas nous faire de mal.



3. De la rivalité à la sororité

Qu’on la ressente ou la subisse, on est victime de cette rivalité.

Maintenant qu’on a dit ça, on en fait quoi ?

Quand on la ressent
1. Accepter qu’elle existe, sans culpabiliser

Ressentir de la rivalité est humain. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait.

Par exemple, j’ai récemment remarqué que je pouvais me sentir plus “menacée” par l’activité d’une femme coach sur les réseaux sociaux, que par celle d’un homme.

Pourquoi ? Cela réveille certainement une peur que “ma place” soit déjà prise, que le gâteau ne soit pas assez grand.


2. Miser sur la sororité et l’admiration plutôt que l’envie

Dans ces situation, très vite, je m’attache à transformer mon regard pour admirer.

Admirer c’est voir dans le reflet de l’autre, ce que l’on pourrait devenir. C’est la preuve silencieuse que ce qui nous fascine existe déjà en nous, et attend d’être exploité pour se révéler.

Mais attention, admirer, ce n’est pas vénérer. Ce n’est pas s’effacer, ni se comparer, et encore moins se diminuer. C’est se nourrir de l’exemple de ceux qui ont osé être pleinement eux-mêmes, sans les imiter, mais en osant, à notre tour, être nous.

Et en développant de la bienveillance et de la douceur envers les autres, on apprend aussi à être plus doux envers soi.

3. Prendre ses responsabilités

Quand on se sent en rivalité avec une autre femme, c’est souvent parce qu’on projette sur elle, nos propres insécurités (failles, manque de confiance).

Et c’est ok de la ressentir. C’est autre chose de faire porte cette responsabilité à l’autre.

C’est donc à nous, de plonger en nous mêmes et d’identifier ce qui nous diminue à son contact : qu’est-ce qui chez elle me renvoie quelque chose de désagréable ? Pourquoi ? Qu’est-ce que cela dit de moi ?



Quand on la subit
4. Se rappeler que ce n’est pas de notre faute

On ne peut pas contrôler l’effet que l’on produit sur les autres.

Si notre présence réveille un complexe ou un malaise chez quelqu’un, ce n’est pas notre rôle de nous diminuer pour le soulager.


5. Sortir du besoin de plaire à tout prix

Même Mère Teresa avait ses détracteurs.

Vouloir être irréprochable ne protège pas des critiques. Donc quitte à être quelqu’un, autant être soi-même.


Conclusion : nous avons le choix

La rivalité féminine est un héritage. Un schéma profondément ancré qui ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Mais nous avons le choix.

Le choix de le voir, de le comprendre, et surtout, de le déconstruire.

On peut choisir d’être inspirée plutôt que menacée.

On peut choisir la sororité plutôt que la compétition.

On peut choisir d’élever plutôt que d’opposer.

Et si, petit à petit, on transformait cette rivalité en force ?