🤫 Face au silence

Rapport à soi

“Dans le silence et la solitude, on n’entend plus que l’essentiel” - Camille Belguise

Introduction

Après ma retraite de jeûne, j’ai commencé à envisager une retraite de silence, soit une expérience beaucoup plus angoissante.

Pas vraiment du fait de l’absence de parole mais pour l’absence totale de distractions.

Pas de téléphone, pas de lecture, pas d’échanges, pas de musique, pas de podcasts.

Aucune activité en dehors du repos, de la méditation, de la contemplation. Rien.

Que le vide.

Et le vide, comme beaucoup, je le fuis. Toujours.

Regarder un film sans scroller ? Impossible, sauf si je suis accompagnée.

Attendre quelqu’un sans occuper mon esprit ? Une torture.

Parce que le vide me renvoie à une angoisse profonde : celle de l’absence, du néant… et comme le dirait mon psy, de la mort en quelque sorte.

Mais c’est justement ça que je viens chercher : m’y confronter pour le dépasser.


1. Un choix plus ou moins délibéré

L’idée de cette retraite me fascinait donc autant qu’elle me terrifiait.

Pour me rassurer, j’avais imaginé un format plus doux, avec des activités comme la danse ou la cuisine.

Mais mes amis m’ont devancée et m’ont offert pour mon anniversaire une immersion radicale : quatre jours avec six heures de méditation par jour, à Hidraya Yoga, près de Lyon.

Jusqu’à la veille du départ, j’étais dans le déni total. Pas une seule minute de méditation en préparation. J’ai donc pris mon train, direction l’inconnu, pas hyper confiante mais excitée de découvrir comment j’allais vivre ce nouveau challenge.

À l’arrivée, je découvre que je suis la seule française.

Pas dramatique car peu d’échanges, mais le dépaysement est renforcé.

Le programme est annoncé, les règles aussi : pas de téléphone, pas de lecture, pas même de contact visuel. L’écriture est autorisée mais “avec parcimonie”.

Premier dîner en silence. Le contact visuel étant interdit, ça se rentre un peu dedans au moment d’aller chercher les assiettes.

On est comme des jeunes loups : encore trop excités et agités pour faire ça dans le calme et la lenteur.

Chacun erre ensuite dans le jardin, tête baissée à la recherche d’un coin isolé. Franchement ? On va pas se mentir, c’est très spécial.

Mais contre toute attente, je savoure ce premier repas. Faute d’activité (musique, vidéo, lecture), je m’essaye à l’alimentation en pleine conscience. Mastiquer lentement en laissant son regard flotter. Se perdre dans la contemplation de la forêt mais aussi dans ses pensées.

Conclusion : un repas en 45 minutes en silence. Une première.


2. Une routine qui n’empêche pas le temps long

Chaque jour suit le même rythme :

  • 6h : réveil au son d’un gong. Et non 4h du matin comme dans certaines retraites Vipassana, donc ça reste largement vivable.


  • 6h30-8h30 : méditation en silence. Les premières minutes sont guidées, puis c’est le grand saut. Je redoutais cette étape, moi qui ne médite jamais mais contre toute attente, je m’adapte. Mon mental vagabonde un petit peu, parfois je lutte, parfois je lâche. Mais quand j’y arrive, je ressens une légèreté indescriptible. Une forme de bulle de douceur, de calme et de paix. Ca n’enlève rien aux préoccupations annexes, c’est simplement agréable.


  • Petit-déjeuner. Toujours en silence. Toujours face à soi-même.


  • 9h30 : lecture spirituelle. Un de mes moments préférés. On découvre les enseignements de Ramana Maharshi, maître spirituel de la retraite et emblème du concept de la non-dualité.
    Son principe clé ? La question du « Qui suis-je ? », qui vient ouvrir et clôturer chacune de nos sessions, et le centre de tout : le coeur.
    Si l’idée d’une retraite vous intéresse, sachez que chaque retraite a ses principes fondamentaux et son point ancrage quant à l’éveil spirituel (le coeur, l’eau, le nettoyage du corps…). Pensez-bien à vous renseigner avant de vous lancer !


  • 11h : hatha yoga. Une pratique de yoga très lente, presque méditative. On tient les postures longtemps, on travaille la respiration. C’est une autre forme de confrontation à soi dans l’effort, mais plus active et dynamique que la méditation.


  • 12h30-16h : temps libre. Pour moi, la difficulté commence ici.

    Pas d’activités (si tant est que la méditation en soit une) : juste soi et ses pensées.

    Dès le premier jour, je suis traversée par tout un tas d’émotions : j’essaye de marcher, de contempler… mais je me demande surtout ce que je fais ici.
    Honnêtement, le temps me parait interminable.

    Plus difficile encore : je ne cesse de me dire que je suis là depuis une demi journée et qu’il me reste encore 3 jours et demi. L’envisager suffit à m’angoisser.
    Bref, dis autrement, j’ai du mal à lâcher prise.


  • 16h - 18h30 : méditation. Un exercice plus difficile l’après-midi, où l’activité mentale me concernant a repris toute sa place.
    Mais paradoxalement, c’est aussi là que j’expérimentais mes méditations les plus profondes.


  • 18h30 : dîner. En silence, toujours.


  • 19h30 : lecture puis dernière méditation avant le coucher à 21-22h.

Et rebelotte pour une nouvelle journée, parfaitement identique.


3. Les jours s’enchaînent mais ne se ressemblent pas

Les deux premiers jours sont un mélange de frustration et de fascination.

Mon cerveau résiste, cherche à fuir l’instant présent, malgré certains moments d’épiphanies (souvent à l’occasion d’une méditation).

Mais globalement, ce qui domine, c’est mon incapacité à me laisser aller dans le moment : je calcule tout, je compte les jours et les heures. Je subis plus que je ne profite.

Le dernier jour pourtant, quelque chose change.

Les pensées s’espacent.

Le lâcher prise devient plus naturel.

Je prends mon carnet, mais au lieu d’écrire, je fixe la nature par la fenêtre pendant une heure. Sans bouger. Juste là, à observer, sans ressentir le besoin d’agir, sans angoisse. J’accepte le vide, l’absence d’activité totale.



4. La fin du silence et le retour à la vie

Le dernier jour, le silence se rompt.

On chante, on partage nos expériences. Beaucoup pleurent (moi la première).

La vulnérabilité et la gratitude ont toutes leur place. Chacun partage ses difficultés, et se livre de la manière la plus transparente et intime qui soit. Beaucoup de sourires aussi, heureux que nous étions de pouvoir enfin nous regarder dans les yeux.

La retraite est donc finie mais le sentiment d’angoisse lui persiste.

Je ressens une immense fierté, mais aussi une énorme fragilité. Je me sens extrêmement vulnérable, à fleur de peau : des émotions brutes remontent, des larmes sans raison apparente. Une sorte de purge émotionnelle qui va durer plusieurs jours.

A côté de ça, j’ai l’impression d’avoir littéralement de nouvelles lunettes, qui me font percevoir les choses différemment. Mon regard sur mon quotidien se fait plus dur qu’avant, le ressenti de ne pas être à ma place plus douloureux aussi.

Puis, très vite, un basculement. Un besoin viscéral de passer à l’action sur certaines choses que je laissais en suspens depuis plusieurs mois, voir années.

J’ai écris les messages que je repoussais depuis des années, j’ai décidé de quitter mon job qui ne m’épanouissais pas, de lancer le projet que je mûrissait depuis des mois.

Non sans difficulté et sans douleur, mais quelque chose en moi en tout cas s’était débloqué.



Tu recommandes ?

Je reconnais ne pas vous en avoir dressé un portait très vendeur…

Mais je recommande sans aucune hésitation !

Je ne peux pas dire que l’expérience ait été agréable, c’est vrai.

Il y a eu des moments de vrais joies mais je dois reconnaitre que globalement, l’expérience comme le retour, ont été particulièrement difficiles.

Pour autant, il s’agit de mon expérience personnelle, et je ne doute pas que certains auront beaucoup plus de facilité à se laisser aller à l’exercice.

Au delà de ça, j’ai trouvé que la retraite était un accélérateur de transformation personnelle incroyable. Vous prenez conscience de toutes vos angoisses en un temps record et n’avez pas le choix que de les vivre (sauf si vous passez tous les moments de “pause” à dormir, ce qui a été le refuge de certains).

On revient ensuite dans notre réalité avec le sentiment d’avoir fait un saut quantique, de vivre la même chose tout en étant plus tout à fait la même personne. En 4 jours, assez fou non ? Et moins flippant que l’ayahuasca.

Encore une fois, ne faites pas de ce témoignage une vérité universelle. Chaque expérience est vécue de manière radicalement différente.

Alors si l’expérience vous donne envie, je vous conseille d’y aller sans attentes, mais avec une grande curiosité.

Parce que ce qui est sûr, c’est qu’on ne repart pas comme on est arrivé.

Et n’hésite pas à m’écrire si tu souhaites te lancer, je serai ravie de pouvoir répondre à tes questions 🧘🏻‍♀️