Les chagrins d'amis
Les relations

Ces séparations dont on ne parle pas mais qui laissent une empreinte dans notre histoire émotionnelle, au même titre que l'amour
Introduction
Tout au long de notre vie, les séparations viennent imprimer leur marque sur notre histoire émotionnelle. Sur les plans amoureux, familial, amical, professionnel, nous sommes confrontés à des ruptures. Parfois subies, parfois désirées, parfois inconscientes.
Dans le domaine, le sujet de l’amour amoureux a la préférence de beaucoup. C’est quelque chose de presque banal, on le met dans la catégorie “épreuve de vie” à côté des deuils, des licenciements, des échecs. Que l’histoire se finisse bien ou mal, on en parle tout le temps : première rencontre, engagement amoureux, rencontre des proches, union… On suit la relation jusqu’à la rupture et on essaye d’épauler comme on peut la personne pour qui tout s’arrête à un moment.
Pour l’amitié, c’est autre chose. On en parle pas vraiment en fait. Et c’est ce silence qui fait de la rupture amicale une épreuve, parfois plus difficile à vivre que la rupture amoureuse. Elle est socialement plus taboue, plus critiquable, moins légitime. Il y a quelque chose de pas très noble, presque honteux, à dire qu’on s’est séparé d’un ou d’une amie, comme si ça disait quelque chose de nous. C’est tellement plus beau de dire qu’on est amis depuis 10, 20, 30 ans.
Et pourtant, les chagrins d’amis existent. Elles laissent une empreinte dans notre histoire émotionnelle, au même titre qu’une séparation amoureuse ou un deuil.
Pourquoi c’est différent d’une rupture amoureuse ?
En amour, la rupture peut trouver sa cause dans des milliers de justification, mais la conclusion est généralement la même : « ce n’est plus la bonne personne pour moi » ou « je ne suis plus la bonne personne pour elle/lui ». La notion de singularité, d’élu est donc au coeur du schéma mono-amoureux. Il y a cette idée d’exclusivité et donc de remplacement : l’autre ne nous convient plus, alors on s’en sépare pour, potentiellement, faire de la place à quelqu’un d’autre. Car une place il n’y en a qu’une.
En amitié c’est différent : on est tous des poly-amicaux. L’amitié ne repose pas sur un schéma exclusif. On n’a pas de quota maximum d’amis. On peut toujours trouver de la place, ajouter quelqu’un à notre cercle sans en évincer un autre. Alors pourquoi certaines amitiés prendraient-elles fin ?
Parce que la rupture amicale n’est pas un choix par défaut, c’est un choix justifié. On ne quitte pas un ami parce qu’on a besoin de place, mais parce que quelque chose ne fonctionne plus : une déception, une lassitude, une distance qui s’installe, une évolution personnelle qui nous éloigne ou une absence d’envie. Et quand on se fait quitter, on peut le vivre comme un échec personnel de ne pas avoir réussi à retenir l’autre, à entretenir la flamme.
Parallèlement, contrairement aux couples plus sujets aux tourments, aux situations susceptibles de provoquer des conflits, les amitiés sont libres, modulables. On est pas censés éprouver de la jalousie, de la possessivité, de l’agacement parce que l’autre est rentré trop tard. Il y a moins de dépendance aussi : un ami qui va s’installer au bout du monde fragilise moins la relation amicale que la relation amoureuse. Il n’y a pas d’injonction sociale à se voir régulièrement, à partager son quotidien, à faire des compromis, à vivre sous le même toit.
La relation amicale s’entretient bien sûr, mais elle demande moins de sacrifices et de compromis qu’en demande le couple. En amitié, il suffit d’en avoir envie.
Un deuil silencieux
Et pourtant, elle fait mal. Parce qu’un ami qui disparaît, c’est une partie de nous qui s’efface avec lui. On perd un témoin de notre vie.
Dans une rupture amoureuse, il y a des codes : on sait qu’on doit couper le contact, qu’il faut un temps de sevrage avant de pouvoir se parler à nouveau sans douleur. En amitié, il n’y a pas de manuel. On ne dit pas « c’est fini ». On arrête de s’écrire, de se voir, sans officialiser sceller la fin de l’histoire : qui s’est déjà donné rendez-vous pour acter la fin d’une amitié ?
Il y a quelque chose de dramatique et de mélancolique, qui peut même amener de la frustration, de la colère, de la culpabilité. Une incompréhension qui tourne en boucle dans nos esprits : qu’ai-je mal fait ? Ai-je dit quelque chose de déplacé ? Pourquoi ? On se refait l’histoire, soit on se blâme de ce qu’on croit avoir mal fait, soit on se rassure en se disant que “c’est l’autre”.
Et puis, il y a ces amitiés qui explosent suite à un événement précis. Un conflit qui dépasse un seuil, une trahison qui ne trouve jamais son pardon. Mais là encore, le temps fait son œuvre : au bout d’un certain nombre de mois ou d’années, le froid devient une réalité, et l’amitié appartient au passé.
L’illusion de la permanence
Dans le schéma amoureux, quand tu rencontres quelqu’un tu sais qu’il y a une possibilité, même si tu ne le désire pas, qu’à un moment, il y ait rupture.
Tandis que les ruptures amicales, on ne les envisage pas. C’est ce qui en fait des ruptures amicales si douloureuses. Lorsqu’on se lie d’amitié avec quelqu’un, on ne se dit pas qu’un jour, cette relation pourrait s’arrêter. On projette, consciemment ou inconsciemment, une certaine intemporalité dans le lien. Le “après” n’existe pas parce que rien ne nous oblige à mettre un terme à la relation.
A nous de comprendre que les amitiés sont semblables aux vagues : certaines personnes entrent, d’autres sortent, certaines reviennent après des années. Il y a un mouvement naturel, une fluidité, quelque chose de vivant et de beau dans cette ondulation de l’amitié. Une amitié qui prend fin n’efface en rien ce qu’elle a été. Elle n’annule pas les rires partagés, les confidences, la complicité. Elle témoigne simplement d’une évolution, de chemins qui prennent des directions différentes.
Faire la paix avec la rupture
Alors, comment se défaire d’un souvenir amical douloureux ?
Il faut parler. Je sais que ce n’est pas toujours ce qu’on veut entendre, mais c’est une des seules façons d’apaiser une rupture. Faites le pour-vous. Si vous avez été blessé, dites-le. Si vous avez blessé, reconnaissez-le.
Et surtout, n’attendez rien. Parfois, la discussion permettra une réconciliation. Parfois non. On ne contrôle pas les gens qui entrent et sortent de notre vie.
Ce que l’on peut contrôler, en revanche, c’est la façon dont on accepte ces départs.
Les séparations, comme tous les drame ne notre vie, sont aussi des étapes de transformation. Elles nous encouragent à cheminer vers plus de connaissance de soi, d’alignement. C’est aussi un bon indicateur de notre propre évolution personnelle : à l’image des couches d’oignon que l’on retire au fur et à mesure qu’on avance en connaissance de soi, on fait un tri naturel des relations qu’on souhaite entretenir dans la durée à la lumière des valeurs qu’on souhaite alimenter.
J’aime l’idée que deux âmes se rencontrent à une période où elles en ont toutes deux besoins, et se séparent quand le chemin est à construire ailleurs.
Et puis, n’est-ce pas le message le plus positif qui soit de se dire que des rencontres, on en aura tout au long de notre vie ?
Que derrière chaque séparation, il y a très probablement l’opportunité d’une rencontre ?
Moi, je garderai ça. Bisous 🫶🏼
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